Bibliothérapie #1 : La Croûte – Comment parler de la mort avec de jeunes enfants ?
Charlotte Moundlic et Olivier Tallec, ont publié en 2009 dans la collection “Les Albums du Père Castor” un récit réaliste et direct qui donne la parole à un petit garçon dont la maman vient juste de mourir. Quand une maman meurt, rien n’est plus comme avant. Et, pourtant, on continue à vivre, à jouer, à respirer. Comment faire alors pour ne pas l’oublier ? On cherche son odeur, on entend sa voix, on voudrait toujours les garder avec soi, comme quand elle était là… Si bien que lorsque l’on se fait une croûte en tombant, cela devient une occasion de la gratter, encore et encore pour l’empêcher de cicatriser. Pour l’empêcher de guérir totalement. Mais, bien malgré lui, le petit garçon apprendra que guérir ne signifie pas oublier.
Le récit pourra paraître désarmant, voire violent à certains parents, notamment pour un livre conseillé en lecture accompagnée aux enfants de 3 à 6 ans. En effet, les auteurs font le choix d’utiliser à plusieurs reprises le mot “mourir” et d’intégrer à la narration des éléments d’explications (caractère définitif de la perte, devenir du corps…).
Papa m’a dit : “Elle est partie pour toujours.” Je sais qu’elle n’est pas partie, elle est morte et je ne la verrai plus, on va la mettre dans une boîte et puis dans la terre où elle se transformera en petite poussière. Tout le monde sera gentil avec moi et personne ne me dira que c’est pour la vie. Je sais très bien que mourir, ça veut dire qu’on ne vivra plus jamais.
Ici, il n’y a pas de métaphore animale, ni de plongée dans l’univers onirique. Ce sont la finesse du récit et le talent de l’illustrateur qui contrebalance la dureté du propos. Charlotte Moundlic fait parler son petit narrateur avec une franchise et une spontanéité désarmante. Les dessins d’Olivier Tallec sont d’une grande douceur. Les couleurs oscillent entre le rouge qui vient souligner la colère face à une perte injuste et révoltante et le rose qui tempère cette violence, rappelle la douceur du foyer et de l’amour qui continue à entourer l’enfant.
En tant qu’adulte, même si nous sommes nous-mêmes émus par ce récit, nous devons nous rappeler que ce n’est pas le livre qui est dur mais bien la tempête des sentiments qui s’abat sur le jeune enfant placé dans cette situation injuste. L’enfant concerné par le deuil d’un parent est souvent lui-même pris dans un bouleversement émotionnel difficile à verbaliser. Il pourra au contraire être soulagé de découvrir que certaines de ses réactions sont normales et acceptables, qu’il n’est pas seul à avoir ce type de ressentis et que des mots ont déjà été mis sur ses maux.
Lire une histoire avec son enfant est une excellente façon de parler avec lui de la mort, de sortir du silence et du tabou. Il existe pour cela de nombreux albums jeunesse tout aussi délicats et intelligents que La Croûte. Si, par chance, votre enfant n’a jamais été confronté à la mort d’un proche, vous lui donnerez de cette manière des repères pour pouvoir comprendre et faire face le jour où il sera malheureusement concerné. Si votre enfant vit un deuil, ce temps de lecture en votre compagnie, si vous vous en sentez capable évidemment, sera la plus douce des manières de lui proposer d’ouvrir le dialogue.
La Croûte est désormais un classique de la littérature enfantine, vous le trouverez dans la plupart des bibliothèques municipales, vous pouvez également le commander à votre libraire préféré en suivant ce lien : https://www.leslibraires.fr/livre/921843-la-croute-charlotte-moundlic-pere-castor
Vous êtes à la recherche d’autres conseils de lecture ? N’hésitez pas à consulter le blog de Caroline Billiet, psychologue à domicile à Lille.